La maison de Saint-Pétersbourg

Un appartement d’une grande vieille maison. L’appartement 6 Canal Krioukov, au troisième étage. Pendant quelque temps, Karsavina avait loué l’appartement au-dessus. Le bâtiment voisin était aussi une résidence d’appartements. Le chef d’orchestre Nápravník y habitait.

De l’autre côté du canal, un élégant édifice de style empire, de couleur jaune comme le jaune de la villa Médicis à Rome, mais c’était la prison.

L’appartement était meublé comme était la coutume à l’époque victorienne. Les habituels mauvais tableaux, les tentures mauves amis avec une bibliothèque inhabituelle et deux pianos à queue.

« Je n’aime pas me rappeler de mon enfance et les quatre murs de la chambre que j’occupais avec Goury, représentent l’impression la plus durable que j’ai gardée de la maison. 

Notre chambre ressemblait à la cellule de « Petrouchka » et j’y passais la plus grande partie de mon temps. Je ne pouvais sortir sans que mes parents me fissent passer un véritable examen médical. J’étais considéré comme trop fragile pour prendre part à aucun sport ou jeu une fois dehors. J’ai l’idée qu’aujourd’hui encore, ma haine du sport n’est que de la jalousie d’en avoir été privé. 

La vraie réponse à toutes les questions relatives à mon enfance est que ce fut une période pendant laquelle je ne fis qu’attendre le moment où je pourrais envoyer au diable toutes les personnes et les choses qui s’y rattachaient. » 

La chambre d’enfant, celle qu’Igor occupe avec Goury, et d’où il sort peu, parait bien distante et non seulement topographiquement du studio de Feodor Stravinsky : rares et faibles sont les échos du travail paternel qui parviennent jusqu’à ses fils.