Descriptions

Il a vingt huit ans. Stravinsky a une tête d’intellectuel russe à lunettes, avec un crâne étroit, de grandes oreilles et un nez qui n’en finissait pas. Petit de taille, il cachait sous un aspect malingre une musculature d’acier. Russe jusqu’au bout des ongles et continuant à penser russe en toutes circonstances, il estimait Diaghilev et les deux hommes s’estimaient et se comprenaient.

Karsavina

A la façon dont ce svelte jeune homme portait son tube nonchalamment rejeté en arrière, on eût pu le prendre pour un dandy. Pourtant la tranquillité et la profondeur inaccoutumée de ses yeux qui vous regardaient à travers ses gros verres sans bords, démentaient cette impression première…Aussitôt qu’il parlait de musique ou qu’il s’exprimait avec un accent particulier, il illustrait sa pensée avec des gestes, des mouvements de tête, des mains, tranchants et péremptoires qui, bien qu’émanant des façon élégante d’un homme du monde, gardaient cependant quelque chose de la spontanéité du primitif. Combien il était intéressant de l’observer au piano, tout son corps semblait vibrer au rythme de sa propre musique.

Romola Nijinski

Stravinsky était un homme décidé. Bien qu’il éprouve une grande amitié et même de la révérence pour Diaghilev et du respect pour ses aînés, Bakst et Benois, il les traite sur un plan d’égalité. Il est déjà très autoritaire, volontaire dans ses idées et ses opinions. De nombreuses fois, il montre un caractère difficile. Non seulement il voulait imposer son autorité dans le domaine musical, mais également dans d’autres domaines artistiques.

Il est très conscient de sa valeur, et il a une forte personnalité. Comme Diaghilev est très rusé, il sait dominer le jeune homme sans qu’il s’en aperçoive. Stravinsky devint l’un de ses plus fervents admirateurs et défenseurs. Il était très ambitieux et il comprit très vite l’aide extraordinaire qu’il obtiendrait en devenant le collaborateur de Diaghilev.

Lui et Vaslav devinrent de grands amis. Vaslav avait une admiration sans bornes pour les dons artistiques de Stravinsky et pour son « cran », son courage dans l’utilisation des dissonances, sa musique si nouvelle et si directe… Stravinsky était plus fort que Vaslav. Il était conscient de la vie matérielle, intéressé par le succès personnel. Sa musique et sa réputation étaient de première importance.

Romain Rolland le décrit à 30 ans

« Il était petit, maigre, laid, avec un visage jaunâtre, mince et fatigué. Un front étroit, des cheveux parsemés au sommet du crâne, des yeux ridés derrière son pince-nez, un gros nez, des lèvres épaisses et la longueur du visage hors de proportion avec la largeur de son front. Pourtant … il est très intelligent et simple dans ses manières. Il parle couramment français, bien que parfois il doive chercher ses mots. Tout ce qu’il dit est original et bien préparé, vrai ou faux ! ».

Robert Craft (1948 : Stravinsky a 66 ans)

Il est physiquement parlant si extraordinaire que seule une statue grandeur nature (et pas seulement une tête ou un buste) ou un dessin de lui grandeur nature (le portrait de lui assis dessiné par Picasso est trompeur) pourrait donner une idée de son physique « unique » ; la taille de pygmée,, les jambes bancales, la maigreur, les épaules de joueur de football, les mains larges avec les jointures épaisses, la petite tête et le front fuyant, les cheveux couleur de sable (noirs dans les photos) un cou lisse et rouge, et une ligne de cheveux à la Woody Woodpecker. On devient si absorbé à le regarder que l’on doit faire un effort pour se concentrer sur ce qu’il est en train de dire. Mais, aussitôt que cette difficulté est surmontée une autre bien plus sévère s’annonce pour savoir comment lui répondre.

Beaucoup de ses déclarations sont si rapides, absolues, exclusives, et si exagérées et parti pris que celui qui écoute ne sait jamais si on se moque de lui. Ajoutez à cela le difficulté qu’un consentement est évidemment attendu pour tout ce qu’il dit, et que le compositeur en personne est fréquemment en contradiction avec le compositeur dans son autobiographie en tout cas en ce qui concerne certains de ses collègues…

D’après Michel Philippot

Une photographie prise de lui en été 1911 nous donne l’image d’un Parisien élégant, habitué des salons de l’immédiat avant-guerre. Vêtu d’une redingote et coiffé d’un chapeau haut-de-forme, il arbore le gilet blanc, la cravate impeccable de l’homme du monde et manipule la canne du dandy.

Comme tous ceux qui sont mécontents de leur taille qu’ils trouvent trop petite, il se tient très droit. Il est d’ailleurs plutôt maigre mais il se dégage de sa personne une impression de puissance due sans doute à sa seule volonté. Le regard est très droit, derrière des lorgnons très distingués. On y distingue un certain dédain pour le reste de l’humanité, dû sans doute au fait qu’ayant déjà beaucoup voyagé, il a déjà beaucoup vu et, surtout qu’il est l’auteur admiré de l’Oiseau de feu. La bouche dont les lèvre sont d’un poids et d’une épaisseur surprenantes : c’est celle d’un gourmand et peut-être d’un gourmet en tous cas d’un curieux de la saveur de toutes choses.

Cocteau

Cocteau fait de Stravinsky un personnage un peu surnaturel comme dans son récit de leur rencontre. …Au lieu d’assister au spectacle, j’allais attendre Nijinski dans les coulisses. Après le baiser à la jeune fille, le Spectre de la Rose s’élance par la fenêtre. C’est dans les coulisses, dans cette pénombre, entre les projecteurs du clair de lune, que je rencontrai Stravinsky… Stravinsky terminait alors son Petrouchka. Il me le racontait dans la salle de jeu de Monte-Carlo. ».

Voici Stravinsky en 1923 : bagues, guêtres, foulards, martingales, cravate, épingles de cravate, bracelets-montres, cache-col, fétiches, binocles, monocles, lunettes, gourmettes… Il compose, il s’habille, il parle comme il le veut.